JUIN-JUILLET 2022
Loi Pouvoir d’Achat : tout sauf du salaire !
Sommé de réagir à l’inflation, le gouvernement a depuis le début de l’année pris quelques mesures pour limiter la hausse du gaz et de l’électricité par exemple ou pour accompagner la flambée du prix des carburants. A la suite des élections présidentielles et législatives, le temps du projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat est arrivé.
Bien évidemment toutes les mesures sont un secours utile, plus particulièrement pour les plus précaires et les plus bas salaires.
Difficile toutefois de ne pas regretter que le court terme prenne le pas sur une réflexion plus globale sur la politique salariale des entreprises et de l’Etat.
C’est malheureusement une tendance de fond qui met à mal la solidarité nationale. Oui pour des mesures d’urgence mais non pour substituer des primes non assujetties aux charges sociales, salariales et patronales, qui ne produisent aucun droit futur et fragilisent un peu plus nos systèmes de protection sociale, retraite et assurance-chômage qui ne manqueront pas d’être encore revus à la baisse.
L’unanimité syndicale s’est exprimée par un texte transmis au gouvernement pour rappeler que « le salaire doit demeurer la base d’un partage des richesses rééquibré en faveur des salariés » et demander d’intervenir auprès des entreprises, notamment celles qui bénéficient d’aides sans contreparties pour leurs salariés. A bon entendeur…
Faut-il renoncer aux RP ?
5 ans après, que savons-nous des représentants de proximité ?
Les ordonnances Macron ont bientôt cinq ans et la promesse d’un Comité Economique et Social plus efficace que des CE, CHSCT et DP accompagnait le discours d’un débat épanoui et constructif dans des entreprises qui auraient à cœur ou du moins ne pourraient faire autrement que de mettre les préoccupations d’organisation et conditions de travail au même plan que les enjeux économiques et commerciaux. Aux esprits chagrins qui disaient que ces ordonnances portaient les germes d’une aggravation de la maladie dont souffrait le dialogue social, les promoteurs de la réforme signalaient que la réponse était dans la négociation collective, ouverte aux quatre vents. Dans les faits, peu d’employeurs ont ouverts leurs volets !
Moins de CSE que de CE partout, moins de CSSCT que de CHSCT dans les entreprises de plus de 300 salariés pour lesquelles c’est pourtant une obligation légale, très peu de CSSCT négociées dans les autres. Et que dire des Représentants de Proximité, invention de dernière minute pour calmer ceux qui criaient à la disparition des DP, du contact direct avec les salariés, de l’observation sur le terrain des situations de travail ! Fin 2019 date à laquelle tous les CSE auraient dû (et cela n’a pas été le cas) être en place, 81 300 instances ont été recensées. Parmi elles, à peine plus de 10% avaient négocié un accord CSE et 2142 affichaient un accord de mise en place de représentants de proximité soit moins de 3%. Un fiasco prévisible avec une loi qui n’apportait rien voire ne disait rien d’autre que l’obligation d’une implantation syndicale et d’une négociation qui aboutisse. Une loi muette en quelque sorte, une loi qui ne fixe aucun moyen, aucune attribution précise comme si proximité et expression seraient optionnels.
Résultat, un accord sur cinq ne définit pas les attributions du représentant de proximité, se contentant de l’instituer. Pâle copie du DP, certains tentent de traiter les réclamations mais l’employeur s’est allégé régulièrement d’un formalisme pourtant bien utile pour l’engager. De nombreux accords RP autorise ainsi l’employeur à évacuer de l’ordre du jour du CSE des questions qu’il ne souhaite pas développer. Se réfugier derrière une discrétion nécessaire pour respecter le salarié concerné par une situation individuelle est récurrent et bien commode.
Faut-il renoncer aux RP ? Certainement pas mais donnons leur une utilité en revoyant les quelques accords existants et en exigeant des accords là où la négociation n’a pas eu lieu. Comme pour les suppléants, être représentant du personnel demande un minimum de moyens et de reconnaissance du travail accompli : heures de délégation et accès aux réunions sur les sujets que ces représentants ont travaillé ne semble pas une revendication extravagante, non ?
EXPERT
L’expert n’est pas limité à la BDESE et heureusement !
L’accès aux informations est un chemin de croix pour les élus du CSE mais également trop souvent pour leurs experts. Allez savoir pourquoi ? Tout élu du CSE mais également tout DRH et président de CSE sait qu’il ne peut y avoir de consultation sans information et que celle-ci doit être précise et écrite. Pourtant, ce débat est permanent et vient régulièrement polluer les échanges et empêcher le fameux « dialogue constructif » que chacun met en avant.
La Cour de cassation a depuis longtemps déjà rappelé le Code du travail aux employeurs qui considèrent que les demandes de l’expert sont extraordinaires, dépassent le cadre de sa mission que ce dernier peut demander tout document existant et est juge de ce qui est utile à ses travaux. Pour l’expert-comptable, il est même précisé qu’il a un accès aussi large que celui du commissaire aux comptes de l’entreprise. Las, cela ne suffit pas !
Récemment encore (Cour de cassation du 18 mai 2022, n°20-21444), les juges ont sanctionné un employeur récalcitrant qui a crû pouvoir se saisir des limites de la BDESE pour considérer que les autres demandes de l’expert étaient superflues. Ce jugement est intéressant car il concerne la consultation récurrente sur la politique sociale pour laquelle les jurisprudences sont encore peu nombreuses (rappelons que la consultation ne date que de 2016). L’expert pour mener ses travaux voulait disposer de données salariales individualisées sur les salariés. L’entreprise a été condamnée en 1ère instance, en appel puis par la Cour de cassation. C’est donc clair.
La demande portait pour une analyse sur 3 ans des données salariales anonymisées des cadres des échelons les plus élevés, une information autrement plus précise que celle du bilan social. Ne pas le faire revenait à exclure 20% de la population salariée et donc à sérieusement amputer l’examen de la politique salariale de l’entreprise. La Cour de cassation a confirmé la Cour d’appel en constatant que l’information existait et que la mission de l’expert portait sur l’ensemble de la population salariée. Ne pas produire ces informations aurait fausser l’analyse de l’expert sur les écarts de rémunération notamment. Occasion aussi de rappeler une autre jurisprudence (23 mars 2022, n°20-17186) qui considère nécessaire de communiquer la DSN (déclaration sociale nominative) à l’expert pour les consultations sur la politique sociale, les orientations stratégiques et la situation économique.
EN BREF
Le saviez-vous ?
Le taux de syndicalisation des employeurs est plus du double de celui des salariés. MEDEF, CPME et U2P les accueillent. L’étude du Ministère du Travail date de 2015 mais dit surtout l’atout qui existe du point de vue de ces patrons à rejoindre un collectif qui représente leurs intérêts, apporte des services de conseil juridique, des possibilités d’échanger avec celles et ceux qui sont dans des situations analogues, d’apprendre et se former. Tout comme les organisations syndicales de salariés dont ils vous disent parfois qu’ils ne comprennent pas l’utilité…
FORMATION INTER CSE
Formation inter « Le référent harcèlement du CSE » en format distanciel
Le CSE et son référent ont un rôle pour prévenir, intervenir et alerter l’employeur en cas d’agissements sexistes et d’harcèlement sexuel au travail.
- Connaître le cadre juridique qui peut être mobilisé
- Identifier les situations à risques et qualifier les faits
- Mener des actions pour favoriser la prévention des agissements
- Savoir faire face à des situations de harcèlement
23 septembre 2022 de 9h30 à 17h00
1 jour / 380€ nets par participant
Formation prévue par le code du travail et coût du stage à la charge de l’employeur